Bétail humain.

"Est ce que tu pourrais aller à l'orphelinat et voir comment vont les enfants? Le patron de l'orphelinat, me dit que des enfants sont malades, que quelque uns sont à l'hôpital avec de la fièvre et de la typhoïde. Il m'a envoyé des photos. Il me demande de lui envoyer de l'argent et je ne sais pas quoi faire."
"Pas de problème" je réponds à ma copine. "Demain j'y vais et je te dirais comment vont les enfants."
"Super, et achète leur du lait si tu peux."
"Ok, je te donne le résultat de la course demain."
"Cool. Bisous."

Le lendemain, l'adresse de l'orphelinat en main, je part pour ma mission de la journée. Bien sure, j'ai prévenue ma copine que souvent les escuses de maladies et autres problèmes ne sont que des mensonges pour demander de l'argent à qui peut bien en donner.
"Tu sais c'est comme l'arnaque du lait en poudre. Si c'est pas la typhoide, c'est quelque chose d'autre."
Ah, l'arnaque du lait en poudre ou comment flairer un bon poisson. Pour ceux qui ne connaissent pas, voici l'arnaque. C'est facile. On prends un bébé dans les bras, le sien ou celui d'une cousine, y'à toujours un bébé qui traine dans les parages. Y'en a qui disent qu'on peut aussi louer un bébé, et on va à la pêche au touriste. Le plus souvent on choisie une femme, les femmes on le sais bien, sont toujours sensible à un bébé. Et puis on dit au touriste qu'on a besoin de lait, on prends une mine bien triste et pathétique et on fait des yeux de misère. Non, non, on ne veux pas de l'argent, on veux seulement du lait en poudre pour nourir son petit chéri. Rien de mal à cela, pense le touriste. Et le touriste se retrouve dans un magasin devant un paquet de lait en poudre et d'autres produits tels du sucre ou autre denrées à faire passer sur la note. Résultat de la course, minimum 5000 rupees népalaise. Le touriste se dit que c'est un peu cher, mais bon, le bébé aura du lait, et puis aprés tout, 50 euros, c'est pas grand chose. Allez zou, le bon poisson s'en va, la conscience tranquille et heureux d'avoir fait sa BA de la journée. Il rentrera bien content chez lui, montrera des photos des enfants aux amis qui penseront que c'est super et qu'eux aussi veulent faire la même chose, il se souviendra d'une bonne action qu'il a fait. Il a aidé un pauvre indigène, il prouve qu'il n'est pas raciste. Peut être même qu'il aime l'humain, il compatie, sa conscience morale sera allégée. Ce qu'il ne sais pas, c'est à quel point il vient juste de contribuer à la corruption et à une mafia de la misère bien rodée. Ce qu'il ne sais pas, c'est qu'il vient juste de donner une pelle pour que quelqu'un puisse mieux creuser la tombe d'un bébé et la sienne en même temps.

Aprés l'arnaque du lait en poudre, la dame et le bébé rentre chez elle. Avant de rentrer dans la petite pièce où vivent une dizaine de personnes aglutinées les unes sur les autres, elle cache quelques rupees bien proche de sa poitrine. Le reste des sous, elle le donnera à l'homme qui organise les femmes qui travaillent pour lui. L'homme prendra les sous, et ira boire, puis il se fera une ou 2 prostitués. Les gamines en dessous de 20 ans sniffant de l'héro, l'avant bras mutilé de brulures de cigarettes ou les poignets de coupures de razoir, ca c'est sympa. Ca fera tout ce que tu veux et c'est pas cher. Le bébé dans les bras aura comme d'habitude son vraie lait et son dhal bat (plat national népalais fait à base de riz et lentilles, parsemé de quelques légumes ou patates celon les moyens). D'autres arnaqeuses utiliserons le lait en poudre pour faire du chai, beaucoup de tasses de chai (thé au lait et épices) et elles les vendront pour ensuite donner les sous à l'homme. Il fera bien ce qu'il veut de l'argent, le jeux et le whiskey sont toujours un passe temps agréable. La femme quand à elle, recevra régulièrement ses quelques coups, elle se fait battre, c'est normal, ce n'est qu'une femme. Quand son mari ou un cousin la viole, ca aussi c'est normal, elle est ici pour servir l'homme, un point c'est tout. Il y a 3 ans la loie népalaise a votée que de violer sa femme est un acte illégal, mais ca prends du temps à rentrer dans les moeurs et la cour de justice. Le bébé quand à lui, ne recevra rien du lait en poudre, il aura du vraie lait, c'est beaucoup moins cher que ces trucs importés par les blancs. Sa vie au bébé ne changera pas, sa misère reste la même, il aura de la chance si un jour il apprends à lire.

Cher lecteur, si cette explication du lait en poudre ne fait pas bip dans votre tête, voici une autre explication, plus comparative celle ci, pour illustrer l'histoire du lait en poudre. Pour celle ci, nous ferons quelques calculs de base.
Salaire moyen népalais environs 100 euros par mois. Donc 40 euros est environ la moitier d'un salaire mensuel. En France, pour donner l'exemple d'un salaire d'un pays européen,  un salaire moyen est à environ 1400 euros. Donc si quelqu'un réclame dans la rue une petite pièce, on lui donnerais un billet de 600 euros. Allez, soyons raisonnable, disons un billet de 500 euros, c'est plus rond. Je connais trés peu de gens qui donnerais à un clodo ou une roumaine dans la rue un billet de 500 euros, même avec un bébé dans les bras. Alors la question est: pourquoi le ferait on à l'étranger, surtout quand on sais que les sous n'iront pas au bébé, ni à la femme qui mendie? Mais les étrangers ne savent pas tout cela, me direz vous. Oui, en effet, et c'est bien pour cela qu'il est bon d'informer les gens sur une certaine réalité de ce qu'est la vraie pauvreté et de ce qu'elle peut faire à certaines personnes sans scrupules. Pour vraiment aider autrui, il faut tout d'abord comprendre ce dont exactement il a besoin. Pour cela, je rapporte juste des faits locaux, à vous chers lecteurs d'en tirer vos propres conclusions quand au moyen d'apporter une aide réelle à ceux qui en ont le plus besoin.

Mais au fait Manue, comment t'es passée d'une histoire d'orphelinat a du lait en poudre? Bonne question, et je vais y répondre. Le lait en poudre était une image, bien réelle et simple, pour aborder une arnaque encore plus grande et beaucoup plus compliquée, c'est à dire, le sujet des orphelinats au Népal. Le Népal regeorge d'orphelinats, il en existe des milles et des milles. Ce que le bon étranger prends souvent pour un orphelinat est en réalité une maison d'enfant. Bien sure quelques orphelins n'ont vraiment aucuns parents, qui sont morts durant le conflit maoiste, de maladies ou bien qui sont en prisons. Mais la plupart reste des non-orphelins, c'est juste que les parents ne pouvaient pas prendre soin d'eux ni d'eux même en général.

Beaucoup des enfants se sont simplement échappés de conditions familiales déplorables, de violence domestique et de reconfigurations familiales dans lesquels ils n'avaient plus aucune place. D'autres sont loués par les maisons pour crér un business. La plupart des orphelins ne sont pas des orphelins, ils sont simplement le résultat d'une société brisée par la pauvreté et un manque d'éducation général. Ces enfants sont les rejets d'une société dont personne ne sais quoi faire. Et puis une bouche en plus à nourir, c'est cher, alors défois, c'est mieux de vendre son enfant, ou de le vider de la maison. Tous ces enfants sans protection offre un business lucratif et parfois extrêmement enrichissant à des personnes qui savent capitaliser sur la misère de leur propre peuple. En bref, les orphelinats au Népal sont pour les 3/4 des arnaques comparables au lait en poudre. N'abordons pas le coté du traffic humain et sexuel, le sujet est déjà assez lourd comme cela. L'horreure de la pauvreté, la vraie, c'est de comprendre que des personnes regardent ces enfants comme du capital sur pates. L'horreure c'est de comprendre qu'ici c'est presque normal, on en parle pas ou si peu, c'est comme ca, c'est tout. Et puis, il y a tellement de poissons dans la mer, si on ne les pêche pas pour soi, un autre le fera, alors à quoi bon se priver? La véritable horreure c'est de ne pas en parler et surtout que c'est les enfants qui en pattissent. Aprés tout, les enfants n'y sont pour rien dans cette histoire. C'est eux les victimes de l'arnaque et c'est bien à eux qu'il faut songer.

La tristesse dans cette histoire, c'est que je sais que les touristes et autres poissons, ont le coeur gros comme des montagnes. Je sais que les touristes donnent de bon coeur du temps et de l'argent. Je sais qu'ils croient faire du bien. Malheureusement, le bien ne se fait pas en quelques mois, ni avec quelques centaines d'euros. La plupart du temps, ce que les touristes font vraiment est de developper un système de corruption local et en même temps de contribuer à l'exploitation de ses enfants. Le voluntariat au Népal est un business comme les autres. Certains touristes dépensent des sommes conséquentes pour faire du volontariat dans un orphelinat, une école ou d'autres projets supposément bienveillants. Des sommes qui trop souvent ne vont jamais à ceux qui sont supposés bénéficier de l'aide. Les sous iront plutôt à payer pour la construction d'une belle maison pour la famille du patron de l'organisation, une belle voiture étrangère, les derniers habits à la mode, et il pourra ensuite envoyer ses enfants étudier à l'étranger. Les autres enfants, ce sont sont que du capital. Les meilleurs dans le business les appellent les ressources humaines, du bétail à 2 jambes. La plupart des enfants au moins recevrons le stricte minimum, l'assiette de riz lentilles journalière, ils sauront presque lire et écrire, ils auront des habits, ils se laveront de temps à autre. C'est déjà bien, mais où va le reste des sous?


Pour en finir avec l'histoire de l'orphelinat, j'ai donc étais le visiter par surprise. Il fallait que je vois si vraiment les enfants souffraient de typhoide ou autre fièvre. La dame de Safe Heaven's Home m'a acceuillie avec le sourire local, un beau sourire éclairé de gentillesse. Elle m'a montrée les chambres où dorment les enfants, de 5 à 16 ans. Ici, ils sont une vingtaine, et 3 dames pour en prendre soin. 2 dal bhat par jour, c'est le menu népalais, le même tous les jours, pendant toute une vie, juste assez pour subvenir au minimum, c'est à dire pour durer jusqu'au prochain dal bhat. Les chambres sont propres, elles ont des grandes fenètres par lesquelles le soleil peut rentrer. Les lits superposés ont des couvertures, des oreillers, rien ne sent le moisie, j'ai déjà vue beaucoup pire. Je suis arrivée en début de matinée, vers 11 heures. Il y avait 4 petits dans la chambre, et un de 13 ans. Les autres étaient à l'école. Les petits n'ont pas dit un mot quand je suis rentrée dans leur chambre, ils avaient les yeux fixés sur la télé perchée au plafond. Un épisode d'une série japonaise en anglais prenais toute leur attention. J'ai dit bonjour au jeune de 13 ans, mi anglais mi népalais, on échange quelques phrases. Il me dit qu'il a un peu mal à la tête, il me montre sa gorge. Il a probablement un rhume, mais il a l'air d'aller bien. La pièce d'à coté est une salle vide, un tableau noir sur un mur, des peintures d'enfants sur les autres murs. Je suis la dame de la maison dans la cuisine accollée à une autre chambre au lit superposé. Elle me fait le chai ritualistique. Je lui dis que je viens de la part d'une amie qui étais passée il y a un moment. Je viens voir comment vont les enfants.

"Tout le monde va bien" elle me dit pendant que je bois le thé au lait. Elle a les mains dans des bouts de poulets, ce sera le repas du soir, les radis sont sur la table, déjà coupés en petits morceaux. Au moins les enfants ont l'air de manger un minimum, du poulet, c'est carrément le luxe.
"Tout le monde est à l'école. Ils vont bien." Elle me dit.
Je ne sais pas si je dois lui demander si certains sont malades ou non. Je suis ici en mission secrète mais il faut que je sache. Je lui demande quand même.
"Pas de maladies en ce moment? De la fièvre ou autre chose?" je demande aprés une cigarette dans la cour en ciment de la cuisine.
"Non, rien. Tout le monde en bonne santé, il n'y a aucun problèmes. Tout le monde est content." Elle n'a pas l'air inquiète, elle mets le tas de poulet dans une grande marmitte et le couvre d'eau. On papotte 5 minutes de rien du tout et je dis que je dois repartir. Je lui donne 1000 rupee (environ 10 euros celon le change), lui dis que c'est de la part de mon amie, pour du poulet et du lait. Elle apporte les sous sur son front, me remercie, m'accompagne jusqu'à la porte et me dit de ne pas l'oublier. La porte se referme derrière moi, je reprends la route poussiéreuse et bruyante jusque chez moi.
Trop d'années ici, je ne sais plus qui ments et qui dit la vérité, il n'y a plus que des sourires, tout est caché derrière des masques de sourires immuables. La vérité s'est évaporée dans la poussière. Je pense qu'en fait, ici, la vérité c'est juste une autre vérité. C'est ce que d'autres appelerez un mensonge, mais c'est vrai sur le moment, et le moment passe, alors, quel est le problème? Et c'est si jolie avec un sourire.

Peut être que des enfants de l'orphelinat ont vraiment la typhoide et que la dame ne voulait pas m'avouer que quelque chose ne va pas. Mais je sais que non. Je les connais de trop toutes ces histoires de fausses maladies, de grand mère à l'hopital, d'opération pour l'oncle, ou la soeur qui se marie. Au cas ou rien ne marche, il y a toujours la politique qui ne vas pas. Bref, les enfants n'y sont pour rien et ils demeurent au coeur du débat. Les enfants sont le future de la société, et le future c'est ce que l'on fait aujourdhui.
Je dois annoncer le résultat de ma visite à ma copine. Je sais que ceux et celles qui viennent pour aider les plus démunie ne veulent que du bien. Le responsable des volontaires pour l'orphelinat lui a envoyer des photos de mômes à l'hopital. Les photos peuvent avoir quelques années, d'autres enfants, qui sais. Mais ma copine veux aider et combien comme elle le désire aussi. Mais combien d'aide se transforme en autre chose, ca c'est une autre histoire. Je ne viens que de pointer au sommet de l'iceberg. Je lui dit qu'envoyer de l'argent de loin ne sert à rien. Il faut être sur place pour être sure que l'argent va vraiment où il devrait.
Les enfants, eux ils auront leur dal bhat habituel. Ils vont à l'école, c'est déjà une chance que beaucoup n'ont pas.

La question demeure. Comment aider ces enfants? Comment aider quand on ne peut pas faire confiance aux adultes qui sont censés prendre soin des enfants? Comment aider quand la confiance se casse parce que trop de mensonges ont étaient dits? Et les enfants dans tout ca? Qu'est ce qu'on en fait des enfants?
Si cet article peut sembler un peu dur, ne vous inquiétez pas, c'est fait exprès. Le but est de pointer vers une certaine réalité du terrain que peu de touristes veulent réellement connaitre. Pourtant si l'on veux vraiment aider, il faut d'abord ouvrir ses propres yeux sur la situation qui nous fait face.
Pour finir cet article avec une note positive, je dirais que oui en effet, beaucoup d'enfants peuvent bénéficier d'une aide et que quelques organisations sont plus aptes que la plupart à offrir cette aide. Mais encore faut il que celle ou celui qui veuille aider comprenne la complexité de la question d'aide. Si j'ai peints un portrait un peu sombre de la situation, c'est aussi pour montrer à quel point ceux qui se battent pour faire changer les choses ont du courage. Et il y en a des femmes et des hommes qui font du bon travail, mais ils sont une minorité et ils ont besoin de support et de temps si ils veulent un jour offrir aux enfants un meilleur future.

Il est important de faire confiance aux motivations des adultes qui supportent ces enfants et de bien les sélectionner pour que l'argent ne soit pas dépensé en autre chose que les enfants. Oui, il y a beaucoup de choses qui peuvent être faites, mais cela prendra du temps et de la persévérance car c'est toute une société qui est en pleine transformation. Et comme toute transformation, il faut lui accorder le temps de murir. Un pas à la fois, il ne faut pas être pressé, tout viendra en son temps, un enfant à la fois, un espoir, un jour. Merci à ceux et celles avec le cœur gros comme une patate, les enfants les remercie, et c'est avec un simple sourire qu'ils nous remercieront plus tard. Le plus grand merci étant une vie réussie et quelques rêves de vécus.

ps: l'arnaque du lait en poudre est généralement faite par les mafias indiennes. Cette arnaque est aussi très populaire en Inde.